un célérifère

Un matin, matin d’aubaine, dans une brocante : un célérifère – pour un prix raisonnable, connaissant le cours du célérifère à ce temps-là de l’année. Il a suffi d’un seul billet, le vendeur n’a pas fait d’histoire, c’était peut-être le genre d’objet dont on souhaite se défaire, avec sa peau et ses vieilles habitudes. Poussé, traîné sur six cents mètres, et monté jusqu’aux combles, le célérifère maintenant repose contre une cantine – mais dans l’ombre, bientôt la poussière, fait le bonheur, comme on dit, de son propriétaire. Reste qu’il ignore à quoi sert un célérifère, ni à quoi ça ressemble, ni ce que c’est au juste : peut-être un mot sans objet ?
Published in: on 25 mars 2008 at 1:18  Laissez un commentaire  

poignée

Une poignée, dans le sens d’une “ bonne ” poigne. Comme une brassée. Ce contact habituellement malaisé était cette fois presque doux, presque tendre. Pourquoi s’en échapper ? un refus de quitter la main qui l’enserrait. Surprise de l’expéditeur. Une glu, une résine époxy, une colle permanente, semblait le lier au type frissonnant devant lui. Et le type frissonnant d’être réconforté, à n’en plus vouloir autre chose, à n’en plus avoir la maladie.

Published in: on 17 mars 2008 at 5:10  Laissez un commentaire  

fer blanc

En fer blanc, en carton, et s’il le faut une imitation plus pauvre encore, comme de longs cylindres de papier argenté : mais au moins, avoir une armure, l’exhiber, s’en prévaloir, y loger sa fragilité pour qu’elle y devienne puissance, et avoir le droit de participer aux guerres héroïques, celles qui avaient lieu sous des boulets de canon, parmi les arquebuses. Le fer blanc suffirait ; la crédulité des adversaires compte pour beaucoup dans la résistance d’une armure : c’est une crédulité généreuse, faite elle aussi d’imitation, de fragilité et de fer blanc.

Published in: on 17 mars 2008 at 10:42  Laissez un commentaire  

bas

Six ans ce soir-là, six ans qu’il regardait par terre, fixait le sol, le bout de ses chaussures. Six ans à regarder vers le bas. Dans le quartier on le connaissait pour cette habitude : jamais il ne levait les yeux, depuis tout ce temps-là, sur qui que ce soit, pas même la boulangère le vendredi, ou le bon vieux collègue.

Published in: on 11 mars 2008 at 8:55  Laissez un commentaire  

portrait

Il expose son portrait au soleil : pas pour la gloire, pas pour bénéficier de la chaleur de midi, comme le ferait un vacancier : pour s’estomper, à la lumière du jour, chaque matin plus élégant, plus nuancé : sépia, pâle.

Published in: on 10 mars 2008 at 4:05  Laissez un commentaire  

sommeil

Ses nuits se passaient à l’affût de quelque chose : un bruit, une voix qui pourrait venir le troubler, l’atteindre. La trace d’une vie voisine. La preuve qu’un événement pourrait survenir. L’oreille parfois collée au mur, ou au plancher, le sommeil léger comme de la plume d’oie.

Published in: on 7 mars 2008 at 1:11  Laissez un commentaire  

valise verte

Sous l’abat-jour mauve, le sac jaune ; sous le sac jaune, un carton gris ; sous le carton, des couvertures, sales, noires, et filandreuses ; sous les couvertures, un autre carton ; sous ce carton, une chaise pliée ; sous la chaise, l’escabeau ; sous l’escabeau, un vieil imperméable ; sous l’imperméable, écrasée, rapplatie, la valise verte, celle qui lui permettrait de quitter sur le champ l’imperméable, l’escabeau, la chaise, le carton, les couvertures, le sac et l’abat-jour, si seulement il pouvait l’extraire.

Published in: on 22 janvier 2008 at 9:40  Laissez un commentaire  

un pas de plus

Mais en faisant un pas de plus, il aurait pu tout faire basculer. L’ignorait-il  ? Eh bien, non.

Published in: on 20 janvier 2008 at 9:25  Laissez un commentaire  

encyclopédie

Dans les pages de l’encyclopédie, toutes les pages, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit : la certitude d’y trouver des adversaires, des amis, des importuns, des objets d’amour, des terres convoitées, des pays quittés pour toujours, des noms donnés à un voisinage indistinct, d’autres noms donnés aux variétés de la mélancolie, et aussi l’ensemble des souvenirs qu’on n’a pas encore eu l’occasion de se confectionner. Et enfin une inépuisable réserve d’injures adressées, si nécessaire, au monde entier.

Published in: on 18 janvier 2008 at 10:06  Laissez un commentaire  

une porte

Jusqu’à ce qu’il ait franchi cette porte. L’humeur, cette fois, était tombée comme une rosée. Il avait d’ailleurs failli en trébucher, en glissant sur le carrelage. Même qu’il avait dû s’accrocher au dos d’une chaise, tel l’idiot, en rattrapant de justesse sa serviette d’où débordaient quelques montagnes de brouillons : des calculs, des centaines de racines carrées, et des nus.

Published in: on 17 janvier 2008 at 10:57  Laissez un commentaire